Kite woman à Pontal 


Florence Desbois est une expatriée française vivant à São Paulo avec son mari et ses deux enfants depuis deux ans et demi. Après avoir travaillé des années dans le milieu bancaire, elle a repris ses études et termine bientôt son master de psychologie tout en travaillant à l'Institut psychiatrique de l'hôpital das Clinicas à São Paulo. Elle nous raconte comment toute sa famille s'est mise au kitesurf l’an dernier dans le Ceara.

Avant, quand je glissais, c’était sur mon carrelage. Ou bien sur les pavés de La Défense un jour de pluie. Je ne suis jamais montée sur un skateboard, je n'ai jamais fait de snowboard ou de windsurf (planche à voile pour les gens comme moi).

Aussi, au Brésil, lors ma première visite à Pontal de Maceio, alors que la quarantaine commençait à se faire plus discrète et la cinquantaine à s’annoncer sournoisement, je n’avais envisagé aucune activité sportive dans ce petit village de pêcheurs et de kitesurfeurs du Ceara. J’avais assez de bouquins sur ma tablette et de sommeil en retard pour occuper mes journées.

Prochaines vacances au même endroit 
Mon planning, soumis à des contraintes incompressibles comme le choix du restaurant et le renouvellement des applications de crème solaire, était suffisamment exigeant. Je passais une semaine douce dans ma carte postale bleue et blanche, chauffée par le soleil et rafraîchie par les glaçons de ma caïpi.

Le retour à São Paulo fut sensiblement identique à tous mes retours de vacances : peau bronzée, trois kilos de plus, une déprime et l’organisation dès le lendemain des prochaines vacances. La routine. Rien ne supposait donc la transformation à venir. Même si cette fois, contrairement à d’habitude, je voulais retourner, pour mes prochaines vacances, au même endroit.

La "sexytude" du matériel de kitesurf
Quand je réfléchis à ce qui a pu déclencher le processus de mutation, et de quelle manière le virus du kitesurf s’est introduit

 dans mon organisme, je pense à un enregistrement de bagages à l’aéroport de Paris. Mon mari et mes enfants m‘avaient confié la mission d’acheter du matériel de kitesurf en France. A Pontal de Maceio, pendant que je musclais mes biceps en tenant ma tablette, eux avaient découvert ce sport.

Et voilà que devant le comptoir d’enregistrement, je surprends quelques regards admiratifs alors que d’un ton que je veux décontracté, j’annonce à l’hôtesse que ces deux grands sacs, c’est mon matériel de kitesurf. D’habitude, mes bagages hors gabarits, c’est le panier de mon chat ou la caisse de mon chihuahua. Inutile de dire que planches et ailes possèdent un degré supérieur de "sexytude". A se demander si mes cheveux ne sont pas en train de blondir.

Sacrifice de valises
J’organisais donc mes prochaines vacances à Pontal de Maceio. Cette organisation ne m’épargna pas son lot d’épisodes stressants. Sur le vol São Paulo-Fortaleza, des limites de poids sont à respecter. Avec le matériel de kite, inutile de dire qu’il faut faire des sacrifices côté vêtements. Je décidai donc de ne pas prendre mes tennis (au cas où j’aurais la mauvaise idée de me déshydrater en courant sur la plage) et de ne voyager qu’avec deux valises, une pour moi, une pour les enfants et mon mari. Par chance, j’arrivai à caser mes trousses de toilette dans la leur.

Cette fois, j’avais délaissé l’hôtel pour louer une maison. Prise de risque non négligeable pour la femme d’intérieur qui se cache depuis quarante ans au fond de moi et que je n’ai jamais trouvée. Mais Fanny Soulier, de l’agence Pontal Plage, m’avait rassuré. J’aurai une femme de ménage, une cuisinière et on fera même mes courses. Bon malheureusement, il faudra quand même que je fasse la liste.

 

Première semaine tranquille
La première semaine de vacances se passa merveilleusement bien. Entre moi et la mer, un seul obstacle, une immense piscine entourée de cocotiers. Le vent gonflait les ailes de kite des enfants, balançait doucement mon hamac et rendait la chaleur agréable. J’avais l’impression d’être toujours la même. Mais à l’intérieur de mon cerveau, le virus détruisait mes neurones raisonnables (tu as bientôt 50 balais), et les remplaçait par des neurones à contenu hallucinogène (tu es encore jeune).

La deuxième semaine, je filmais les exploits des enfants sur leurs planches et je commençais à sentir comme une envie d’essayer. Je m’imaginais en lycra, une planche sous le bras en train de mouiller mon doigt puis de le lever en l’air avant de décider de la taille de mon aile. Dans un dernier sursaut, la partie de mon cerveau non endommagée tenta de me ramener à la réalité : la seule activité nautique que tu as pratiquée avec succès est la traversée Corse-Continent en ferry, tu ne vas jamais sous l’eau sans te boucher le nez et chacune de tes tentatives pour te mettre à un sport a avorté de manière prématurée.

L’effet d’une guerrière
Et pourtant, voilà que je réservais un cours. Je voulais apprendre le kitesurf. La veille du cours, mes neurones préservés exhalèrent dans un dernier souffle les images de mes échecs passés : six mois de tennis et une demande de bilan ophtalmologique par le professeur, trois mois d’équitation et une morsure à la cuisse (j’ai encore la marque des dents), une semaine de canoë-kayak et une tendinite à chaque poignet, trois jours d’escalade et trois attaques de panique, une journée de canyoning et deux mois pour récupérer, dix minutes de planche à voile et un oursin dans le pied.

Le lendemain, mon professeur vint me chercher en buggy. Je jetais un dernier regard à mon transat, m’enduisit de crème protection 50 et montai dans le véhicule à l'assaut des dunes blanches. Sur le spot, la mer est à 30°C, j’ai pied partout. Mais quand même, je me faisais l’effet d’une guerrière. Mon prof, Kaelig, ne sait pas seulement faire du kite, il sait apprendre à en faire. Mais quand même, j’ai été volontaire alors que je pouvais rester planquée à l’arrière. Je m’attendais à ratisser le sable avec mes dents, et avaler l’équivalent de ma baignoire, et bien…ce fut le cas.

 

 

Je suis presque une Kite Woman !
Mais Kaelig m‘encourageait, pointait mes progrès et j’avais presque l’impression d’être douée. Par moment, je sentais la force du vent me tracter et la sensation était géniale. Et puis, le soir, au bar, je pouvais dire que j’avais fait du kitesurf, regarder les horaires de marée l’air pénétré tout en consultant Windguru sur mon iPhone et boire pour oublier que le lendemain j’y retournais.

Au bout de la quatrième séance, le miracle : je marche sur l’eau ! Je suis tellement surprise que j’en ouvre la bouche et tire sur ma barre. Résultat : j’achève mes premiers 20 mètres de manière peu gracieuse. Mais cela m’est égal : je suis presque une Kite Woman !